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On stérilise tout ?

Publié le : 26 mars 2020 à 14:40
Dernière mise à jour : 27 mars 2020 à 12:32
Par Youcef Mokhtari

Nous sommes synchronisés, par le temps de confinement, par les réseaux. Notre présent cellulaire, avec téléphone du même nom, fait de nous une cellule d’un grand tout numérique, un méga-organisme. Mais vivons-nous une expérience si commune que nous ne serions plus qu’une grande éponge ?

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Par Youcef Mokhtari.

Et nous devisons. Et les commentaires s’enchaînent jusqu’à produire un nuage sans grandes nuances de gris parce que nous convergeons. C’est normal. Nous vivons tous la même expérience au même moment et sensiblement dans les mêmes conditions… les mêmes causes ayant les mêmes effets, on cause sur les mêmes faits.
Est-ce que c’est mon esprit subversif ou tout cela manque-t-il réellement d’oxygène ?
Même les contestations et les alertes complotantes tournent autour des thèmes « mainstream » de sécurité sanitaire, de masque, de médicament, de moyens médicaux etc. Les sujets passent d’un virus à une info virale en un jet de germe. C’est finalement assez ennuyeux.

Besoin de stoïcisme ?

Parce que de toute façon il n’y a pas grand-chose à faire pour nos corps, qui subiront la vague infectieuse – enfin c’est ce que j’entends comme vous. Le truc, c’est de limiter l’afflux en soins intensifs. Mais pour nos esprits, on est confinés aussi ? Parce que j’ai quand même l’impression d’être lessivé, autant de fois que je me lave les mains. C’est comme une secte, où les rites et la liturgie prennent toute la place et où l’on ne peut plus réfléchir, ni dire, par exemple, des choses sur d’autres sujets, prendre du recul, parler du coût économique et du bénéfice sociétal de cet épisode, ou l’inverse, être dissonant, changer d’angle, faire de l’humour… Pour ce dernier point, nous étions déjà assez mal engagés. L’ironie, la dérision, la distanciation par le rire : la société les avait déjà bien reléguées. J’aurais voulu entendre Desproges devant le spectacle incroyable de la dernière cérémonie des Césars. Alors que feraient-ils, que diraient-ils, nos anarco-provocateurs aujourd’hui ? Quand la France a peur et applaudit à 20 heures… Flippant, non ?

Soyons d’accord sur ce but

Même éveillé et lucide, le communicant public pense qu’il n’a que peu de prise sur les choses dans ce concert de bonnes intentions et de prières communes :

  • difficile de maintenir l’écoute et l’échange, lorsque sa commune est à la fois morcelée en un archipel de petits cloisonnements et soumise à un vent assourdissant d’unanimité ;
  • difficile de favoriser un esprit collectif constructif et organisé, lorsque de toute façon les réseaux sociaux débordent sur tous les plans et animent des marées numériques au gré des émotions collectives !

Pourtant il existe des leviers que certains activent déjà. Voyons ensemble cette liste non-exhaustive et essayons de la garder en tête pendant la tempête :

  • les besoins élémentaires couverts par le service public local sont des points d’ancrage d’une communication dépassionnée (déchets, eau, police municipale, entretien des rues, accès aux services, éclairage, espaces verts, etc.) ;
  • c’est le moment de renforcer l’identité en présentant les lieux, équipements et récits locaux (même si tout n’est pas accessible pour le moment) car en étant maintenu en résidence dans sa commune, chacun peut mieux en apprécier le caractère, en découvrir même des aspects négligés ;
  • proposons d’autres sujets que l’angoissante observation permanente de la pandémie, et profitons de ce temps d’attention pour revenir de façon posée sur les enjeux locaux, les grands projets, tant que possible ;
  • préparons l’après-coronavirus et donnons des perspectives sur juin, l’été et plus loin encore. Parlons culture, sport, économie, commerce, nature ;
  • essayons de ne pas nous laisser emporter par la vague de portraits des héros de la lutte Covid-19 et donnons des visages différents, proposons des récits variés, sur la réalité vécue par toutes et tous, grands ou petits, utiles ou confinés, braves ou simplement professionnels, pour construire un portrait collectif qui reflète l’identité de notre territoire.

Alors, oui, nous accompagnons évidemment l’urgence. Oui, nous sommes à fond dans la com de crise, mais nous ne sommes pas devenus des chatbots, restons cabots !